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Le vrai (et le faux) des conséquences du réchauffement climatique sur la vigne et les vins
Le réchauffement climatique a ses marqueurs. La fonte des glaces et la hausse du niveau des océans en sont un. L'évolution des vignes dans le monde en est un autre. Il est peut-être moins évident mais tout aussi symbolique dans la mesure où cette plante est un révélateur idéal des changements climatiques qui sont au cœur des discussions de la COP21, particulièrement ce mardi puisqu'il sera question d'agriculture au Bourget.
"La vigne est en effet une plante pérenne qui permet aux scientifiques de faire des comparaisons d'une année sur l'autre. Aussi, cette plante a des stades de croissance bien définis et tout à fait liés aux températures, que ce soit le bourgeonnement, la floraison, la formation des grappes et bien sûr les vendanges. Les conséquences de ces changements sont largement visibles depuis plusieurs années", confirme Hervé Quenol.
Ce chercheur au CNRS, expert scientifique auprès de l'Organisation internationale de la vigne et du vin est l'un des deux scientifiques que Le HuffPost a sollicités pour tenter de démêler le vrai du faux des conséquences du changement climatique sur la vigne. L'autre se nomme Jean-Marc Touzard. Il est directeur de recherche à l'Inra et co-animateur du projet Laccave qui imagine comment adapter le vignoble au réchauffement. Les conclusions de sa mission seront remises au printemps 2016. En attendant, voici quelques réponses.
Jusqu'à deux degrés, les viticulteurs sauront gérer. VRAIA Paris, les 196 participants à la COP21 vont tenter de s'accorder sur des dispositions permettant de limiter le réchauffement à 2 degrés d'ici à 2100 par rapport à l'ère préindustrielle. Une limite qui conviendrait également parfaitement aux viticulteurs. "Avec une telle augmentation contenue, les vignobles septentrionaux obtiendront les meilleurs qualités de production même si ceux plus au sud rencontreront des difficultés", estime Hervé Quenol.
"Nos études convergent pour dire que sous ce seuil, on a des solutions qui existent déjà dans la plupart des vignobles français et les conséquences peuvent être amendées", affirme aussi Jean-Marc Touzard. Il en veut pour preuve que dans certains terroirs, les variabilités internes en matière d'exposition au soleil ou les micro-climats font des différences de l'ordre de 1 à 2 degrés. "Tant que la variabilité liée au changement climatique n'est pas supérieure à la variabilité interne, la capacité d'adaptation reste intacte", conclut-il.
En 2050, il n'y aura plus de Bordeaux. FAUXL'inquiétude a surgi en 2013 quand un climatologue américain a publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Science, une étude annonçant la mort d'une partie du vignoble français. Dans son collimateur notamment, le Bordelais qui disparaîtrait sous l'effet d'une hausse des températures.
Seulement, cette étude jugée sérieuse par les experts de toute la planète a des conclusions "hâtives", selon Hervé Quenol. "Si l'on suivait son modèle dès maintenant, il n'y aurait plus de pinot noir en Bourgogne. Or, on continue d'en cultiver du très bon", sourit le spécialiste. Mais il est évident, pour lui aussi, que la carte mondiale des vignobles ne sera plus exactement la même qu'aujourd'hui. "On commence d'ailleurs à planter dans de nouvelles zones du nord de l'Europe", illustre-t-il.
Avec le réchauffement climatique, le vin est plus alcoolisé. VRAIPuisque les scientifiques disposent de données sur plusieurs décennies, il leur est aisé de constater une augmentation du degré alcoolique du vin. "On l'observe depuis 50 ans avec une accélération bien plus importante dans les 30 dernières années", assure Hervé Quenol. La hausse est particulièrement visible dans le pourtour méditerranéen, où il n'est plus rare de voir du vin approcher les 15 degrés.
"Depuis le début des années 1980, le vin languedocien a gagné près de 1 degré tous les dix ans. Il est passé d'une moyenne de 11 à plus de 13", estimait ainsi en 2012 Hernan Ojeda, directeur de l'unité expérimentale Inra de Pech-Rouge dans l'Aude. Arrivera-t-on à du vin qui atteint 14-15 degrés? "Dans certaines régions, cela paraît inéluctable même si des techniques de vinification existent pour limiter ces effets", précise Hervé Quenol qui rappelle aussi que du vin aussi alcoolisé est déjà produit en Australie, Afrique du Sud ou Argentine.
On va finir par vendanger le 15 août. VRAIÉvoquer une telle date avec certitude n'est bien sûr pas possible mais l'esprit de l'affirmation est confirmé scientifiquement. Les vendanges ont lieu de plus en plus tôt. Depuis les années 60, celles-ci ont été avancées de trois semaines selon les données recueillies par l'Inra.
Et pour éviter que le raisin ne s'oxyde, de plus en plus de viticulteurs organisent les vendanges la nuit. "En réalité, c'est toute la chaîne de production qui est impactée. Les stades de croissance sont plus précoces. C'est vrai pour le bourgeonnement, la floraison mais aussi les vendanges", précise Hervé Quenol.
Le vin rouge et le vin blanc sont impactés de la même manière. FAUXOn a vu plus haut que les vignobles du nord et ceux du sud de la France ne sont pas impactés de la même manière par le réchauffement climatique. De la même manière, selon leur couleur, les vins ne sont pas touchés également. "Les blancs ont besoin de conditions un peu plus fraîches, particulièrement pour le développement des arômes", indique Hervé Quenol qui sous-entend que les producteurs de blanc peuvent rencontrer un peu plus de difficultés.
Confirmation par Jean-Marc Touzard qui rappelle qu'en Alsace, davantage de producteurs que les années précédentes ont dû recourir à des techniques d'acidification pour redonner de la fraîcheur à leur nectar. "Pour les rouges, cela peut modifier les équilibres mais dans une moindre mesure", ajoute-t-il.
Les volumes vont baisser et le vin deviendra un produit de luxe. FAUXBien sûr, tout dépendra du niveau d'augmentation des températures mais si l'on reste dans une hausse proche de ce qu'espèrent les protagonistes de la COP21, les volumes de vin produits en France ne devraient pas diminuer. Enfin, pas globalement même si sur le pourtour méditerranée, les productions pourraient baisser.
"Nos projections laissent apparaître une hausse des volumes en Bourgogne mais aussi en Champagne pendant encore quelques temps, explique Jean-Marc Touzard. Le gaz carbonique booste la photosynthèse ce qui devrait participer au maintien voire à la hausse des rendements."
Vous allez découvrir de nouveaux cépages. VRAIPour faire face à la hausse annoncée des températures, viticulteurs et scientifiques ont déjà commencé à plancher sur l'adaptation possible dans les vignobles. L'une des hypothèse passe par une évolution des cépages cultivés, en fonction de leur capacité d'adaptation à la chaleur. "Dans le Bordelais, on commence à entrevoir des difficultés sur le merlot qui n'existent pas encore sur le cabernet", note ainsi Jean-Marc Touzard. Et même dans chaque variété, il existe des clones qui résistent mieux que d'autres à ces évolutions. "En Alsace, un accent est mis sur les riesling qui permettent de produire plus d'acidité", illustre-t-il.
Mais l’adaptation pourrait aussi passer par l'importation en France de cépages actuellement cultivés dans des pays plus chauds. "Dans le Bordelais, certains essais sont faits avec des cépages portugais tandis que dans le Languedoc, on commence à tester des cépages italiens", confirme Hervé Quenol. Enfin, on peut s'attendre à voir apparaître des créations originales. "A l'Inra, nous travaillons sur des croisements de vignes sauvages avec des cépages existants pour avoir des vignes résistantes aux maladies, d'autres qui font moins de sucre ou qui grandissent moins vite", ajoute Jean-Marc Touzard.
Le goût du vin restera le même. FAUXC'est une certitude, le vin que l'on boira en 2050 ne sera plus le même que celui que nous buvons aujourd'hui. "Mais celui d'aujourd'hui ne ressemble pas à celui de 1950 et dans 50 ans, un Bordeaux ne ressemblera pas à un Bourgogne", nuance Hervé Quenol. D'une année sur l'autre, les effets "millésime" font que le vin n'est pas exactement le même. Le risque, avec le réchauffement climatique, est cependant une accentuation de ces effets qui sortirait tel ou tel vin des traits caractéristiques de son vignoble. Avec les conséquences qui vont avec pour le consommateur.
Une expérimentation a été menée dans le Bordelais avec des vins que l'on pense être ceux du changement climatique parce qu'ils sont sur des parcelles plus sèches ou sont récoltés plus tardivement. Ils présentent des arômes de fruits cuits plutôt que de fruits frais, ils ont 2 degrés d'alcool de plus. "En première dégustation, les testeurs ont été séduits par l'aspect plus explosif de ces vins, commente Jean-Marc Touzard. Mais on a noté au bout de quelques jours un effet de saturation et de rejet et un retour vers les vins traditionnels moins lourds, moins alcoolisés." Et le chercheur d'en tirer une conclusion: "Les producteurs doivent faire le maximum pour maintenir les traits actuels ou faire en sorte que les évolutions soient atténuées."
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