" ..... plus que les épinards c'est la tête qui est dure !!!"
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Popeye et les épinards : ces autres mythes scientifiques qui ont la dent dure.
Les épinards sont riches en fer, il y a plus d'accouchements les soirs de pleine Lune, il ne faut pas se baigner après avoir mangé sous peine d'hydrocution... Bien qu'elles soient fausses, ces idées reçues sont répétées à l'envi.
C'est ce criminologue qui, en travaillant plusieurs années sur le sujet, a démontré le caractère fallacieux de ces différents "faits".
Quelles autres idées fausses ont la vie dure, et d'où viennent-elles ?
Yannick Lejeune :
- Les accouchements les soirs de pleine Lune : on raconte qu'il y a plus d'accouchements ces nuits-là. Il suffit de regarder les chiffres de l'Insee et de ses équivalents ailleurs pour voir que c'est faux. Le seul moment dans l'année où l'on assiste à une légère augmentation du nombre des naissances est le mois de septembre, mais elles sont liées à de bonnes résolutions et des réveillons un peu trop arrosés... Cela reste un petit boom et les naissances sont assez régulières tout au long de l'année. Qui s'est déjà fait la réflexion qu'il connaissait un nombre plus important de personnes nées sous le signe de la Balance ?
Cette idée reçue est liée à deux croyances. D’abord, depuis toujours, la Lune est associée à la femme, et par association à l’enfantement et à ses mythes. Une deuxième consiste à dire que les hommes ayant été des bactéries, ils ont été dans l’océan, et que celui-ci étant soumis à la Lune via les marées, ils auraient incorporé dans leur cycle celui de la Lune. Ceux qui y croient invoquent à l’appui le fait que le cycle menstruel des femmes est équivalent à celui de la Lune, à savoir 28 jours.
- La force de Coriolis dans les éviers : on dit souvent que selon l’hémisphère, l’eau s’écoule dans les éviers dans un sens opposé, en citant la force de Coriolis. Cette dernière déplace des masses d’eau ou de nuages en fonction de la rotation de la Terre sur son orbite. Dans un monde lisse et parfait, l’écoulement se ferait de manière inversée selon qu’on est dans l’hémisphère sud ou nord. Cependant, cette force de Coriolis s’applique à des masses très importantes. Dans un évier, le robinet, un cheveu ou une poussière ont beaucoup plus d’influence que la force de Coriolis sur la manière dont l’eau s’écoule. L’hémisphère ne compte donc pour rien.
Dans certains pays d’Afrique ou d’Amérique traversés par l’Équateur, des habitants font croire aux touristes qu’en passant d’un côté à l’autre d’une ligne tracée au sol là où passerait l’Équateur, le sens d’écoulement change. Grâce à une discrète manipulation humaine, cela fonctionne. On y croit car cela se base sur une règle de physique tout à fait sérieuse, mais seulement significative dans un univers parfait, sans courants d’air, avec un filet d’eau régulier et des éviers identiques.
- Devoir attendre une demi-heure à deux heures avant de se baigner après avoir mangé : cette "règle de sécurité" est liée à l'idée que la digestion réchaufferait le corps, et entraînerait une hydrocution potentielle plus probable lorsqu'on va se baigner. Dans les faits, ce réchauffement est négligeable. Pour preuve, certains champions de natation mangent avant de plonger pour avoir plus d'énergie. De plus, la digestion est un cycle très long qui prend plusieurs heures ; avant une opération on ne demande pas au patient d'être à jeun seulement deux heures avant. La plupart des cas d'hydrocution se produisent en plein soleil car le corps est chaud, digestion ou non. C'est un biais cognitif courant qui nous induit en erreur sur les causes et les conséquences.
Christian Camara :
- Toute la matière de l'univers s'est formée au cours du Big Bang. Le Big Bang fait recette : avant lui il n'y avait rien, ou quelque chose qu'on ne peut pas imaginer, et à partir de lui il y a tout, du moins en ce qui concerne les éléments constitutifs de la matière. Cette vision, quelque peu simplifiée, n’est vraie qu’en partie. Quelques instants après le Big Bang, seules des particules élémentaires existaient, celles de nos cours de physiques, protons, neutrons, électrons et photons qui se sont assemblés en noyaux d'atomes d'hydrogène et d'hélium. Le job du Big Bang s’arrête là, il ne fabrique rien d’autre ! La raison est simple : l’univers en expansion se dilate et sa matière se disperse avec lui. Tout le reste de la matière, des éléments plus lourds, carbone, oxygène, azote… sera fabriquée bien après, à l’intérieur des étoiles, où la pression énorme favorise leur assemblage. Et ces éléments ne sont pas rien, ils constituent les planètes, et sur la Terre, tous les êtres vivants.
- La forêt amazonienne est le poumon de la planète. Tout le monde connaît la photosynthèse par laquelle les végétaux dégagent de l’oxygène. Ce que l’on sait moins, c’est que les végétaux respirent, comme la plupart des êtres vivants. Le résultat est que tout l’oxygène dégagé par la photosynthèse est consommé par la respiration. Les choses sont en réalité un peu plus compliquées, car ces deux phénomènes opposés, photosynthèse et respiration, ne s’équilibrent pas en même temps. Dans une forêt où les arbres sont en croissance, la photosynthèse l’emporte mais c’est l’inverse lorsqu’elle vieillit. Et la forêt amazonienne est ancienne, avec même des arbres millénaires, donc elle ne produit pas d’oxygène. On pense qu’aujourd’hui, le poumon de la planète ce sont plutôt les océans, avec le phytoplancton qu’ils contiennent.
Les antibiotiques fatiguent. Les antibiotiques sont accusés de tous les maux mais une chose est sûre, en luttant contre les infections ils protègent l'organisme. Et cela sans fatiguer ! Ils ont une cible unique, les micro-organismes, bactéries et champignons (pas les virus, par contre) et agissent le plus souvent en les empêchant de se multiplier et, plus rarement, en les détruisant directement. Mais les antibiotiques n’agissent pas sur les cellules de notre corps, et ne peuvent donc pas nous fatiguer. Alors d'où vient la fatigue ? De l'infection, plus exactement des mécanismes de défense développés par l'organisme pour se débarrasser de l'envahisseur et qui est très couteux en énergie. L’entrée d’un microbe provoque la multiplication par millions des cellules de notre système immunitaire.
- La fonte de la banquise élève le niveau marin. Avec la fonte de la banquise – la couche de glace qui recouvre l'océan Arctique et Antarctique – le niveau des mers s'élève, de l'ordre du millimètre par an. Les deux phénomènes sont effectivement constatés, comme le montrent les images satellites, mais le premier n’est pas la cause du second. Faites l'expérience, placez des glaçons dans un verre d'eau et repérez le niveau du liquide. Une fois les glaçons fondus, il n'aura pas changé. Avec la fonte de la banquise, le résultat est le même. L’eau libérée par la banquise se contente d'occuper la place laissée par la glace fondue. La partie immergée d'un iceberg, les 8/9ème environ, occupe en effet un volume équivalent à celui de l'eau provenant de la fonte totale de la glace. En revanche la fonte des glaces continentales concourt à l’élévation du niveau marin ainsi que la dilatation de l'eau sous l’effet de la chaleur. D'ailleurs, les mesures altimétriques montrent que les zones chaudes dépassent de quelques dizaines de centimètres en altitude celles plus froides.
Comment expliquez-vous que malgré l'évidence de leur caractère erroné, ces mythes continuent d'être relayés, et que nous persistions à y croire ?
Christian Camara : Si les idées reçues prolifèrent, c’est parce qu’elles rassurent et paraissent même plutôt logiques. Si elles font recette, c’est aussi parce qu’elles simplifient, voire idéalisent la réalité. Elles nous permettent de fournir une explication apparemment logique et finalement sont le signe de notre souhait de compréhension, de rationalité.
Yannick Lejeune : D'abord parce que certaines idées sont belles. On dit souvent que la Muraille de Chine est la seule construction humaine visible à l’œil nu depuis la Lune. Cependant en son endroit le plus large, elle fait 10 mètres, ce qui reviendrait à distinguer un cheveu à 42 kilomètres de distance... On continue de dire cela car l'idée qu'un monument humain, millénaire et beau de surcroît soit visible depuis une telle distance, est plaisante. Mais en ce cas on devrait certainement pouvoir apercevoir l'Arche de la Défense, la Tour Eiffel ou la pyramide de Khéops, qui sont bien plus larges. Le romanesque l'emporte tout simplement sur la pertinence scientifique.
Ensuite, parce que la sagesse populaire se transmet à travers le temps au point de ne plus être remise en doute. Le mythe de l'influence de la pleine Lune se travaille par auto-renforcement : si vous êtes persuadé que cette nuit-là votre service de maternité sera débordé, vous serez d'autant plus attentif, et vous vous renforcerez dans vos croyances. A tel point qu'en Angleterre des municipalités ont renforcé leurs équipes de police ces nuits-là pensant que les gens étaient plus fous. Des études menées par le ministère de l'intérieur montrent qu'il ne se passe pas grand-chose de plus qu'habituellement, mais les effectifs étant plus importants, la prévention l'est également. Et il ne se passe donc rien de plus. C'est le serpent qui se mord la queue.
Prenons aussi l'exemple des Vikings, qui en réalité n'avaient pas de casques à cornes. Les seuls que l'on ait trouvés avaient une vocation religieuse, ou étaient des casques d'apparats celtes, et donc d'une autre époque. Ces combattants étant pragmatiques, ils préféraient ne pas avoir d'accroches sur leurs casques qui pourraient leur être fatales en situation de combat. En termes romanesques, il est tout même plus plaisant de s'imaginer une espèce de barbare blond et sanguinaire coiffé de cornes impressionnantes plutôt que d'un casque rond aux allures de bol retourné...
Idem pour l'écoulement de l'eau dans les éviers : la force de Coriolis a quelque chose de plus fascinant que le poil de barbe comme explication ! La part de culture n'est donc pas négligeable : Un dernier exemple : on parle de boîtes noires d'avions alors que celles-ci sont oranges, pour être facilement retrouvées. Les toutes premières ne pouvant être ouvertes, et le personnel navigant ne sachant pas vraiment ce qui y était enregistré, les qualifiait "d'opaques", de "noires"...
P.
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