" ... Madame de Sévigné, BL, comme belles lettres, PO, comme psy obligatoire vu sa relation avec sa fille !
Info Le Figaro
Il y a 320 ans, Madame de Sévigné posait définitivement sa plume
De A comme abbé de Coulanges à V comme Vichy, focus sur Madame de Sévigné, disparue le 17 avril 1696, il y a tout juste 320 ans.
C'est au château de Grignan dans la Drôme que s'éteint la marquise de Sévigné le 17 avril 1696. Elle a alors 70 ans. Femme d'esprit et de talent, elle porte tout au long de sa vie l'art épistolaire au plus haut. Ses lettres à sa fille et à ses amis sont devenues un classique de la littérature française.
Mais Grignan c'est aussi ce château de Provence battu par les vents et qui l'a tant privée de sa fille. Le tableau qu'elle en fait en février 1695 alors qu'elle y séjourne est apocalyptique: «Nous sommes exposés à tous les vents; c'est le vent du midi, c'est la bise, c'est le diable, c'est à qui nous insultera; ils se battent entre eux pour avoir l'honneur de nous enfermer dans nos chambres, […]nos écritoires sont gelées; nos plumes ne sont plus conduites par nos doigts, qui sont transis; nous ne respirons que de la neige…»
«Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus digne d'envie: enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon?); une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire; devinez-la: je vous la donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens?»
Le mariage sera finalement annulé par le roi.
Le Festival de la correspondance qui a lieu chaque année au château de Grignan, se tiendra cette année du 5 au 10 juillet. Il aura pour thème un sujet d'actualité, «Lettres d'exils».
A lire: Madame de Sévigné, Correspondance, édition de Roger Duchêne avec la collaboration de Jacqueline Duchêne, Bibliothèque de La Pléiade.
A comme Abbé de Coulanges
Orpheline de père à 18 mois et de mère à 7 ans, la jeune Marie de Rabutin-Chantal, future Madame de Sévigné, est confiée à ses oncles maternels. C'est Christophe de Coulanges, abbé de Livry qui se charge plus particulièrement de son éducation. Très présent au côté de sa nièce après son veuvage, il est surnommé par elle le «bien bon» dans sa correspondance. Elle fait de fréquents séjours dans son abbaye de Livry dans la forêt de Bondy. A sa mort, elle confie à son cousin Bussy-Rabutin: «Je lui devais la douceur et le repos de ma vie; c'est à lui que vous devez la joie que j'apportais dans votre société: sans lui nous n'aurions jamais ri ensemble; vous lui devez toute ma gaieté, ma belle humeur, ma vivacité, le don que j'avais de bien vous entendre, l'intelligence que me faisait comprendre ce que vous aviez dit et deviner ce que vous alliez dire…»B comme Bussy-Rabutin
Roger de Bussy-Rabutin, le cousin par alliance, le prétendant, le correspondant précieux avec lequel la marquise peut «rabutiner». Se moquer avec esprit est pourtant un talent qui causera la perte du libertin. Militaire et homme de lettres, membre de l'Académie française, Bussy sera plusieurs fois condamné à l'exil en son château de Bourgogne pour ses mœurs et surtout pour avoir commis le fameux Histoire amoureuse des Gaules, texte satirique raillant les frasques de la cour de Louis XIV. Ecornée dans le livre dans un portrait peu flatteur, Madame de Sévigné restera longtemps fâchée avant de lui pardonner.C comme Carnavalet
La marquise déménage six fois à Paris avant de trouver dans l'hôtel Carnavalet, aujourd'hui musée parisien, le havre idéal. Elle y emménage en 1677 dans l'attente d'accueillir sa fille et sa famille qui s'installeront à Paris en 1680 pour un séjour de quatre années. Ainsi lui écrit-elle au mois de septembre: «Il y a des heures du soir et du matin pour ceux qui logent ensemble qu'on ne remplace point quand on est pèle-mêle avec les visites, -Dieu merci!-nous avons l'hôtel Carnavalet! c'est une affaire admirable, nous y tiendrons tous et nous aurons le bel air.»F comme Fille
La majeure partie des lettres de Madame de Sévigné est adressée à fille, Françoise Marguerite, devenue par son mariage en 1669 comtesse de Grignan. La séparation qui suivit quand la jeune femme dût partir rejoindre son mari alors nommé lieutenant-général de Provence, fut extrêmement difficile. Ainsi, lorsque sa fille prend la route le 4 février 1671, il lui semble que son «cœur veuille se fendre par la moitié». Elle ajoute «soyez assurée aussi que je pense continuellement à vous: c'est ce que les dévots appellent une pensée habituelle; c'est ce qu'il faudrait avoir pour Dieu, si l'on faisait son devoir.» Son amour pour son fils Charles fut bien plus tiède.G comme Grignan
Grignan c'est d'abord son gendre, François Adhémar de Monteil de Grignan, un homme de qualité: «Toutes ses femmes sont mortes pour faire place à votre cousine, écrit-elle à son cousin Bussy, et même son père et son fils, par une bonté extraordinaire, de sorte qu'étant plus riche qu'il n'a jamais été […] nous ne le marchandons pas, comme on a accoutumé de faire ; nous nous en fions bien aux deux familles qui ont passé avant nous.»Mais Grignan c'est aussi ce château de Provence battu par les vents et qui l'a tant privée de sa fille. Le tableau qu'elle en fait en février 1695 alors qu'elle y séjourne est apocalyptique: «Nous sommes exposés à tous les vents; c'est le vent du midi, c'est la bise, c'est le diable, c'est à qui nous insultera; ils se battent entre eux pour avoir l'honneur de nous enfermer dans nos chambres, […]nos écritoires sont gelées; nos plumes ne sont plus conduites par nos doigts, qui sont transis; nous ne respirons que de la neige…»
L comme Lettres
Combien de lettres Madame de Sévigné a-t-elle écrites? Aucune certitude évidemment. Plus de 1.100 lettres sont connues. La publication de cette correspondance a été laborieuse et source d'erreurs. Le premier homme à reconnaitre les qualités littéraires des lettres de la marquise fut son cher cousin Bussy-Rabutin. Il faisait circuler autour de lui les lettres particulièrement brillantes de son amie. En 1734, après la mort de Madame de Sévigné et pour mettre fin à la publication furtive de plusieurs recueils de lettres parus en 1725-1726, sa petite fille Pauline de Simiane confie à l'éditeur Perrin le soin de publier 614 lettres mais expurgées de ce qu'elle juge peu convenable. Elle est elle-même fort dévote. Les réponses de madame de Grignan sont détruites à la demande de sa famille. En 1873, une nouvelle édition est établie grâce à la découverte par un professeur de droit Charles Capmas, d'un manuscrit inédit contenant la copie des lettres de la marquise à sa fille. A partir de ces différentes éditions, l'historien Roger Duchêne, établira dans les années 1970 une édition de référence pour la Pléiade.M comme Mademoiselle
Narrer les histoires de la cour, est une activité qu'affectionne Madame de Sévigné et qu'elle fait avec un talent certain. Elle sait ménager ses effets comme dans cette lettre du 15 décembre 1670 à son cousin à qui elle apprend le prochain mariage de la «Grande Mademoiselle» (Anne Marie Louise d'Orléans, la cousine de Louis XIV, duchesse de Montpensier, déjà agée de 43 ans) avec un simple gentilhomme, le comte de Lauzun:«Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus digne d'envie: enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon?); une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire; devinez-la: je vous la donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens?»
Le mariage sera finalement annulé par le roi.
S comme Sévigné
Avant Madame il y eut bien sûr Monsieur de Sévigné. Malheureusement le bel Henri n'eut pas le temps de devenir un correspondant régulier de sa femme. Jeune homme exalté, coureur de jupons, celui qu'elle épousa à 19 ans la laissa veuve à 25 ans, tué en duel par le chevalier d'Albret pour les beaux yeux de sa maîtresse, Mme de Gondran. Il lui laissa, outre ses deux enfants nés en 1646 et 1648, le château des Rochers-Sévigné près de Vitré qu'elle affectionnait particulièrement et où elle séjourna régulièrement.V comme Vichy
Atteinte de rhumatisme, Madame de Sévigné se rend en 1676, elle a alors cinquante ans, en cure à Vichy. Elle découvre alors le supplice de la douche réservé aux curistes. «J'ai commencé aujourd'hui la douche, écrit-elle à sa fille, c'est une assez bonne répétition du purgatoire. On est toute nue dans un petit lieu sous terre, où l'on trouve un tuyau de cette eau chaude, qu'une femme vous fait aller où vous voulez. Cet état où l'on conserve à peine une feuille de figuier pour tout habillement est une chose assez humiliante.»Le Festival de la correspondance qui a lieu chaque année au château de Grignan, se tiendra cette année du 5 au 10 juillet. Il aura pour thème un sujet d'actualité, «Lettres d'exils».
A lire: Madame de Sévigné, Correspondance, édition de Roger Duchêne avec la collaboration de Jacqueline Duchêne, Bibliothèque de La Pléiade.
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