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lundi 7 septembre 2015

Louis XIV: le règne de l'intox

Billet d'humeur journalistique :

"...cela 300 ans d'intox c'est pas mal, non???...!!!"




Info L'EXPRESS
Louis XIV: le règne de l'intox




La quantité de médisances, potins, calomnies proférés contre Louis XIV est à la hauteur de la jalousie, de l'envie et de la crainte qu'a pu susciter un monarque controversé.
La quantité de médisances, potins, calomnies proférés contre Louis XIV est à la hauteur de la jalousie, de l'envie et de la crainte qu'a pu susciter un monarque controversé.
Tableau d'Henri Testelin/Château de Versailles/ Domaine Public via Wikipedia Commons

La quantité de médisances, potins, calomnies proférés contre Louis XIV est à la hauteur de la jalousie, de l'envie et de la crainte qu'a pu susciter un monarque controversé. La preuve par huit contre-vérités.

Louis XIV est un ignorant

Le duc de Saint-Simon (1675-1755) a la dent dure. Un jour qu'il se plaint qu'on dise du mal de lui, il s'entend répliquer par Louis XIV: "Mais aussi, Monsieur, c'est que vous parlez et que vous blâmez; voilà ce qui fait qu'on parle contre vous." Louis de Rouvroy est là pour défendre les prérogatives des ducs et des pairs, menacées par les magistrats du Parlement de Paris et rabotées par le monarque. Alors, il charge sans scrupules. C'est lui qui, dans ses Mémoires, fait du roi un âne bâté. "A peine apprit-on au roi à lire et à écrire, et il demeura tellement ignorant que les choses les plus communes d'histoire, d'événements, de fortunes, de conduites, de naissances, de lois, il n'en sut jamais un mot." Par malchance, la belle-soeur du roi, la princesse Palatine, dit la même chose. Quant au roi lui-même, à la fin de sa vie, dans ses confidences à Mme de Maintenon, il regrette ses propres lacunes et le laxisme de ses pédagogues. Pourtant, dès l'âge de 7 ans, le jeune roi reçoit une éducation exigeante: latin, morale, catéchisme, droit public. Le soir, son premier valet de chambre, Pierre de La Porte, lui lit des pages de l'Histoire de France, de Mézeray. Un peu plus âgé, il a des professeurs pour l'écriture, les mathématiques, l'espagnol, l'italien. Un roi ne pouvant se passer d'exercices physiques, il prend des cours d'équitation - il sera un excellent cavalier -, des cours d'escrime et d'armes à feu et, dans un autre genre, de danse. Futur protecteur des arts et des lettres, il est initié au dessin, au luth, à la guitare et à l'épinette. Quant au métier de roi, il l'apprend au quotidien, au côté de Mazarin. Louis XIV a une grande intelligence, mais il n'est ni érudit ni bel esprit. Cela suffit au duc de Saint-Simon pour le calomnier.

Louis XIV n'aime pas Mazarin

Cette contre-vérité a été colportée par Pierre de La Porte, premier valet de chambre de Louis XIV: le dauphin, alors âgé de 7 ans, voyant passer Mazarin sur la terrasse du château de Compiègne, se serait écrié: "Voilà le Grand Turc qui passe." C'est la seule "preuve" de l'animosité du futur roi contre le cardinal. En réalité, orphelin de père à 4 ans, Louis a un attachement filial pour son parrain et tuteur. Toujours, il lui demande conseil pour gérer le royaume et il est à son côté les dernières semaines de sa vie, lui apportant bouillons et potions. Le jour de sa mort, le 9 mars 1661, il dresse un bilan louangeur de l'action du cardinal-ministre: la Fronde vaincue, la paix signée avec l'Espagne (en 1659) après un quart de siècle de guerre, le mariage avec l'infante un an plus tard. Dans ses Mémoires, le monarque rend hommage à "un ministre [...] qui m'aimait et que j'aimais, qui m'avait rendu de grands services".

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Le cardinal Mazarin, auquel le jeune roi manifeste un attachement filial.
Le cardinal Mazarin, auquel le jeune roi manifeste un attachement filial.
Domaine de Chantilly/Domaine Public

Louis XIV emprisonne Fouquet par jalousie

Paul Morand est dans la fiction quand il se paie d'écrire l'Histoire. Dans Fouquet ou le Soleil offusqué, il affirme que Louis XIV, jaloux de la magnificence de la fête que le grand argentier du royaume a donnée en son honneur en son château de Vaux-le-Vicomte, le 17 août 1661, décide d'emprisonner celui-ci. En réalité, le roi a pris le parti depuis au moins trois mois de se passer de ce surintendant incapable de juguler le surendettement d'un royaume en guerre et livré aux taux exorbitants des prêteurs. Deux ans plus tôt, Colbert avait attiré l'attention de Mazarin sur de probables détournements de fonds et "voleries". A la mort du cardinal, c'est au roi en personne que l'intendant des Finances fait part de ses soupçons. Colbert-Fouquet: deux visions de l'argent de l'Etat, mais aussi deux ambitions. Le premier ne jure que par une gestion stricte des finances et la réduction des rentes, l'autre excipe de son entregent auprès des banquiers. Lorsqu'il est démasqué, Fouquet s'engage à servir son souverain "avec tout le zèle et l'affection imaginables". Mais il ne tient pas parole. Et signe sa perte. "[...] Quelque artifice qu'il pût pratiquer, je ne fus pas longtemps sans reconnaître sa mauvaise foi", écrit le roi dans ses Mémoires. Fouquet aggrave son cas lorsque le monarque découvre les travaux de fortification qu'il a engagés secrètement à Belle-Ile-en- Mer, la constitution d'une garde de 200 hommes, la livraison d'armes et de munitions. Dans quel but? La sécession? La trahison au profit d'une puissance étrangère? Pour le roi, c'en est trop. Fouquet est arrêté à Nantes, jugé par un tribunal d'exception et condamné au bannissement. Un verdict insuffisant pour un roi bafoué, qui commue la peine en détention à vie. Fouquet meurt en 1680, enfermé dans le château-prison de Pignerol.

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Le surintendant Fouquet a secrètement fait fortifier Belle-Ile.
Le surintendant Fouquet a secrètement fait fortifier Belle-Ile.
Portrait présumé de Sebastien Bourdon/Château de Versailles/Domaine Public

Louis XIV a dit: "L'état, c'est moi"

Faux. Il a même dit le contraire sur son lit d'agonie: "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours." La formule a été créée de toutes pièces par Pierre-Edouard Lemontey (1762-1826), avocat, homme politique et historien, auteur d'un Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, qui aura finalement laissé son nom dans l'Histoire pour une formule dont personne ne sait qu'il en est l'auteur. La phrase exacte du livre est: "Enfin, le Coran de la France fut contenu dans quatre syllabes, et Louis XIV les prononça un jour: "L'Etat c'est moi"".
Dès 1911, pourtant, l'historien Ernest Lavisse restitue la déclaration du jeune roi, le 13 avril 1655, lors d'un lit de justice où il met en garde les magistrats contre leur volte-face sur un vote d'édits fiscaux: "Messieurs, chacun sait les malheurs qu'ont produits les assemblées du Parlement. Je veux les prévenir et que l'on cesse celles qui sont commencées sur les édits que j'ai apportés, lesquels je veux être exécutés." La formule a fait florès sur un contresens: la monarchie étant "absolue", le roi aurait tous les pouvoirs et l'Etat pourrait se résumer à sa personne.
Mais le roi absolu du XVIIe siècle ne partage rien avec le dictateur du XXe siècle. Une monarchie absolue est sans contrôle, mais pas sans limites. Le roi ne doit contrarier ni la loi de Dieu, ni la loi naturelle, ni même violer les lois fondamentales (notamment la dévolution de la couronne). Le Parlement de Paris y veille. Le roi fait la loi et la modifie, déclare la guerre, bat monnaie, convoque les états généraux, mais il ne gouverne pas seul.
Le Conseil du roi, subdivisé en Conseil d'en-haut, Conseil royal des finances, etc., l'informe et s'exprime devant lui. En pratique, le roi se range à la majorité. En outre, il consulte ses ministres régulièrement. Bref, s'il exerce pleinement son autorité, le monarque sait distinguer sa personne, fût-elle auréolée de gloire, de l'Etat.

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La monarchie est sans contrôles, mais pas sans limites.
La monarchie est sans contrôles, mais pas sans limites.
By Siren- via Wikimedia Commons

Louis XIV affaiblit l'économie du royaume avec la révocation de l'Edit de Nantes

La révocation de l'édit de Nantes (octobre 1685) "fut précisément l'exil de l'industrie française", déplorait l'historien Jules Michelet. Avant lui, Saint-Simon s'était insurgé contre ce "complot affreux qui dépeupla un quart du royaume, qui ruina son commerce". Un quart du royaume, ce serait 5 millions de Français. Aujourd'hui, les historiens estiment entre 100 000 et 200 000 le nombre de huguenots partis vers l'Angleterre, la Hollande, la Suisse, le Brandebourg, les "pays du Refuge". Ils sont souvent armateurs, manufacturiers...: des forces vives. Cependant, si l'économie stagne, ce n'est pas dû à la persécution religieuse, mais du fait d'un contexte défavorable, de la persistance de la guerre et d'épisodes climatiques catastrophiques.

Louis XIV ne se lave pas

La rumeur court depuis le XIXe siècle, insistante, colportée y compris par le journaliste Théophraste Renaudot et gonflée par le triomphe de l'hygiénisme: le roi ne se lave pas et il n'a pris qu'un seul bain dans sa vie. La "preuve"? Il a recours à des parfum entêtants pour masquer les mauvaises odeurs. Faux. Louis XIV s'adonne à la "toilette sèche" - le changement de linge cinq fois par jour -, mais aussi aux bains en tous genres. Jeune, il fréquente un établissement parisien où, selon Saint-Simon, il s'approvisionne en aphrodisiaques, "n'ayant pas de quoi fournir à tout ce qu'il désirait". Aux beaux jours, il prend des bains dans la Seine, du côté de Conflans. A Versailles, dans son appartement du rez-de-chaussée, il dispose d'un cabinet de bains équipé de deux baignoires allongées en marbre blanc et d'une grande cuve octogonale, de 3 mètres de diamètre et de 1 mètre de profondeur. A Marly, il fait aménager une "chambre de bains". Qui peut encore prétendre que Sa Majesté est aquaphobe?

Louis XIV fait de Versailles un lieu de débauche

C'est la princesse Palatine (encore elle) qui a accusé Louis XIV de pousser "la galanterie jusqu'à la débauche". Débauche? Disons séduction appuyée. Lorsqu'il est seul aux commandes du royaume, à compter de 1661, après la mort de Mazarin, Louis XIV a 23 ans et il recherche la compagnie des femmes et son bon plaisir. Mais pas à n'importe quel prix. La cour veille, et l'étiquette n'est pas un vain mot. Accusé de trop s'approcher de sa belle-soeur Henriette d'Angleterre, alors qu'il vient d'épouser depuis peu Marie-Thérèse, il est jeté dans les bras de Louise de La Vallière, jeune beauté sans enjeu. Las, il s'éprend d'elle, comme il succombera plus tard à Mme de Montespan, puis à Mme de Maintenon. Ainsi est le roi: attiré par les femmes de toutes conditions, insatiable, il n'en est pas moins fidèle... à ses maîtresses successives et parfois concomitantes. Mais il n'a le goût ni du scandale ni du libertinage. Les plus effrontés, Guiche, Vardes, de jeunes aristocrates proches de lui et libertins sans scrupules, sont arrêtés et parfois embastillés. Quant aux femmes accusées de débauche, elles sont exilées sur leurs terres. Ou envoyées au couvent.

Louis XIV est sourd et aveugle à la misère du peuple

Dans une lettre adressée à Louis XIV - que celui-ci n'a d'ailleurs pas eu le loisir de lire -, Fénelon lui reproche d'être indifférent aux malheurs du peuple, victime de la famine, des épidémies et des crises climatiques qui saccagent le royaume (1 300 000 morts pour les seules années 1693-1694). Monsieur le prélat, auteur des Aventures de Télémaque - qui lui valurent la disgrâce royale -, va vite en besogne. Le roi n'est nullement indifférent, ne serait-ce parce que les Français sont "une partie de nous-mêmes, puisque nous sommes la tête d'un corps dont ils sont les membres". Il use de toute son autorité pour dégager des recettes, par des économies dans les dépenses de la cour ou la fonte de la vaisselle d'or et du mobilier d'argent transformés en pièces. Il ordonne aux provinces pourvues en grains d'en transférer aux plus nécessiteuses. Il impose des achats de blé à l'étranger. Il n'empêche, la famine aura raison de la volonté du Roi-Soleil.
Cet article est largement inspiré de Louis XIV. Vérités et légendes, par Jean-François Solnon (Perrin). Lire, du même auteur: Le Goût des rois. L'homme derrière le monarque (Perrin). Egalement: Au service du roi. Dans les coulisses de Versailles, par Mathieu Da Vinha (Tallandier); Louis XIV a dit. Mots et propos du Roi-Soleil, par Patrick Dandrey (Les Belles Lettres); L'Ancien Régime (XVI-XVIIe siècles), par Jean-Marie Le Gall (PUF); Dictionnaire Louis XIV et Versailles, par, respectivement, Lucien Bély (dir.), Mathieu Da Vinha et Raphaël Masson. Bouquins/Robert Laffont. A paraître le 10 septembre.

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