Clin d'oeil à Carnet d'émotion parfumée.

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jeudi 15 juin 2017

Le 8 novembre 1960, on donne les résultats de la présidentielle américaine en live au Drugstore.

Billet d'humeur journalistique :

" ...comment allier l'actualité à l'histoire .... !!!"




Le 8 novembre 1960, on donne les résultats de la présidentielle américaine en live au Drugstore.



Eric Frechon





Info Grazia
L'enseigne de l'agence Publicis relance son restaurant des Champs-Elysées. Retour sur l'histoire de ce lieu mythique.

"J'ai pas peur des petits minets qui mangent leur Ron-Ron au Drugstore." De la pâtée pour chats à la carte du Drugstore ? La suggestion déconcerterait le chef trois étoiles Eric Frechon, qui a d'autres projets pour la tonitruante réouverture du restaurant parisien. Et pourtant, c'est sans doute cet extrait de la chanson Les Playboys, de Jacques Dutronc, qui entretient encore la renommée de cette enseigne du haut des Champs-Elysées : dans les années 60, le Drugstore Publicis est en effet le repaire d'une certaine jeunesse bien née. Les minets "blousons dorés" et leur version plus rugueuse : "la bande du Drugstore".
Une petite centaine de jeunes obnubilés par la mode, les filles, le cinéma, la bagarre, qui écume les parages de l'Arc de Triomphe. Chaque jeudi après-midi - la pause scolaire de l'époque - et le week-end, ils se retrouvent au Drugstore pour siroter un Coca, acheter les derniers disques importés, essayer des vêtements ou feuilleter la presse étrangère. Avant de s'égayer en surboums ou de se mesurer à la bande du Golf Drouot.
Marcel Bleustein-Blanchet a ramené le concept des Etats-Unis
C'est évidemment d'un voyage aux Etats-Unis que Marcel Bleustein-Blanchet (1906-1996), légendaire créateur de l'agence Publicis, a rapporté le concept du Drugstore. Outre-Atlantique, ces magasins se sont aventurés bien au-delà de leur vocation pharmaceutique d'origine : outre les "drugs", ils vendent des journaux, du tabac, des disques, du parfum, des jouets... On peut s'y restaurer sur le pouce jusqu'à une heure avancée de la nuit. Pour mesurer le pouvoir magnétique immédiat du Drugstore Publicis, il faut se souvenir de ce qu'était le Paris d'alors.
"Une ville où l'on ne pouvait plus rien acheter après 18 heures. Les Champs ne comptaient encore aucune galerie, rappelle Pierre Marcus, un vétéran de l'agence, fils de l'un des bras droits de Bleustein-Blanchet. Les Etats-Unis fascinaient, et rares étaient ceux qui s'y rendaient : on rêvait en allant voir décoller les long-courriers à Orly. Imaginez alors le choc de savourer les premiers hamburgers ou banana split de France !" Dans ses Mémoires d'un lion, Marcel Bleustein-Blanchet raconte pourtant avoir dû rugir pour imposer son idée et réaménager le rez-de-chaussée de l'ancien hôtel Astoria. Le majestueux immeuble abrite son agence publicitaire depuis 1958 ; avant, il avait servi de QG au général Eisenhower, puis à l'Otan. Le garde des Sceaux Michel Debré l'encourage à préférer le terme de "bazar". Peine perdue.
"Les politiques ont vite pris leurs habitudes au Drugstore"
L'inauguration du Drugstore, en 1958, défraye la chronique. Certains évoquent "l'événement mondain du siècle". Ce soir-là, les gens font la queue deux heures pour entrer au 133, avenue des Champs-Elysées. La décoration Far West - fusils au mur, boxes "compartiments de train" - fait un tabac. "Les politiques ont vite pris leurs habitudes au Drugstore, se rappelle le président de Publicis, Maurice Lévy. Le mercredi, très tôt, on en voyait venir acheter Le Canard Enchaîné et le lire en buvant un café. Avant de repartir parfois l'air dépité..."
Les voyageurs d'Hollywood y trouvent Variety. Ceux du Swinging London le Melody Maker. Un soir, on aperçoit le roi du Maroc Hassan II acheter des jouets. Au-delà des célébrités, les noctambules prennent l'habitude de se retrouver au Drugstore. On y vit en quasi-direct l'élection de Kennedy en 1960. L'Amérique n'a jamais été aussi près. L'enseigne capte l'air du temps. Après l'abnégation requise par l'après-guerre, "les hommes commençaient à se faire plaisir, rappelle Pierre Marcus. Au Drugstore, ils pouvaient s'offrir des gadgets introuvables ailleurs. En ça, c'était un peu le Colette de l'époque." Parmi ses habitués, des "blousons dorés" devenus célèbres, comme Gérard Manset, Boris Bergman, Jean-Paul Goude, Antoine Gallimard, Jacques Laffite ou... Vincent Bolloré.
La bande du Drugstore donne la note à la mode de l'époque
"Nous allions dans les boutiques du Drugstore pour parader, expliquera le cinéaste Benoît Jacquot à Télérama. Nous avions même nos tailleurs personnels, deux frères de 15-16 ans, comme nous, qui ont ensuite fondé Renoma. Ils ont commencé en nous habillant pour rien." La bande du Drugstore donne la note à la mode de l'époque. L'influence des mods anglais est indéniable. "Mais le style est bien français avec son mélange de Clarks, de Weston, de pulls Shetland, de chemises Oxford...", note François Armanet.
Le journaliste de L'Obs a fait partie de cette tribu à laquelle il a consacré un roman puis un film, (La Bande du Drugstore, 2002) : "J'ai connu la fin, vers 1966-1967. J'y ai côtoyé Fabrice Luchini, Richard Berry. L'origine des gens était plus mélangée. Mais après Mai 68, c'est rive gauche que les choses excitantes allaient se passer." Le Drugstore finit en cendres lors de l'incendie de l'immeuble Publicis en 1972. Il sera reconstruit, repensé. Le succès commercial reviendra. Pas la magie. Pas même après le lifting spectaculaire à la Frank Gehry que s'offre l'agence en 2004. Avec l'ouverture du nouveau restaurant, Maurice Lévy ambitionne aujourd'hui de "refaire du Drugstore un lieu de rendez-vous, un lieu luxueux mais abordable". Fini de ronronner.
La modernité selon Nixon
Retrouver un peu de l'esprit Mad Men. Concevoir un endroit "chaleureux et clubby". La mission confiée à Tom Dixon par Maurice Lévy était claire. Le célèbre designer anglais s'en est acquitté avec brio, en mixant les matériaux nobles sans jamais tomber dans le vintage balourd. Côté cuisine, ouverte sur la salle, Eric Frechon supervise les fourneaux dans le même esprit : "Je me suis replongé dans tous les classiques qui font partie de l'ADN du lieu, en les revisitant : l'indétrônable burger, les viandes de qualité et les coupes de glaces d'anthologie. A l'arrivée, je pense offrir une carte innovante et fédératrice." Le tout en service continu, et annoncé à des tarifs abordables. Réservations : 01 44 43 77 64.

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