Billet d'humeur journalistique :
" grrrrrrrrrrrrrrrrrr !"
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Comment l'ours a perdu son statut de roi des animaux.
Avant d’être décimé par les chasseurs puis réintroduit dans nos contrées ces dernières années, l’ours était respecté et vénéré aussi bien en Europe que chez les amérindiens. Mais ce dernier, sur le continent européen du moins, s’est fait souffler sa place de Roi des animaux par le Lion. Explications.
L'ours, présent dans les cultes païens en Europe depuis la nuit des temps, est au coeur de nombreuses légendes, mythes et oeuvres littéraires. Il est vénéré avant de perdre de sa superbe au tournant du Moyen Age et d'être exhibé aux badauds dans les foires du bout d'une corde.
Mais pourquoi l'ancêtre de "Winnie l'ourson" est-il devenu indésirable au point de perdre son titre de roi ? Parce que l'Eglise le voit comme un rival à cause de sa puissance, sa posture proche de l'homme lorsqu'il se met sur ses deux pattes et, cela ne s'invente pas, sa tendance à "enlever les jolies filles" avec lesquelles il s'encanaille. Comme le relate le site du magazine Sciences Humaines, l'Eglise, dans son oeuvre de colonisation des esprits païens, le remplace par le Lion car ce dernier est plus "lointain et moins dérangeant".
Ainsi, avant que l'Europe ne soit complètement christianisée, il était de bon ton chez les nobles et les puissants d'avoir un lien de parenté avec le plantigrade. Du temps de la Grèce antique déjà. Comme le rapporte l'historien Michel Pastoureau, [1] le prince de Troie, Pâris, a été élevé durant son enfance par une ourse avant d'enlever quelques années plus tard Hélène, épouse du roi de Sparte, Ménélas, et de déclencher par la même la guerre de Troie.
Plus au Nord, en Scandinavie, des femmes enlevées par des ours ont enfanté des guerriers qui fondèrent des dynasties. Des rois de Norvège et du Danemark revendiquèrent une telle parenté. Au Moyen Age, les stars de l’époque comme Roland, Tristan, Lancelot, le roi Arthur, fictives ou pas, s’accaparent toutes la force physique de l’ours. Mais, avec Charlemagne, tout le monde ou presque se met à vouloir faire la peau au "nounours". Il perd son trône de roi des animaux et son aura divine.
Toujours au temps de la construction des cathédrales, dans les remèdes préconisés par l’abbesse Hildegarde de Bingen, comme le raconte la revue universitaire Rursus, l’ours est utilisé pour guérir certains maux [2]. Mais il faut en user précautionneusement.
"La peau du haut de la tête d’un ours posée sur la poitrine et le cœur d’un individu timide, craintif, tremblant et anxieux le rendra, grâce à sa chaleur, énergique et sans peur". Mais c’est un drame si la peau de la bête n’est pas correctement tannée car au contact de la chair humain, la sueur de l’ours pourrait susciter
"une passion excessive : désir charnel, violence bestiale". En se couvrant de la peau de l’animal, l’homme peut aussi se transformer, – s’invertir, – et être habité par la nature bestiale de l’ours. Le mythe du loup garou n’est pas loin, mais c’est une autre histoire dans l’Histoire.
De nos jours, les ours sont réintroduits par exemple dans les Pyrénées, exposés à travers les siècles dans les foires par des montreurs d’ours, les plantigrades sont la coqueluche des peluches pour tous petits, et à cause des bouleversements climatiques, l’ours polaire pourrait un jour disparaître. Mais on pourra toujours s’en souvenir en buvant un Coca-Cola.